Databricks poursuit son irrésistible ascension avec une nouvelle levée de fonds — Siècle Digital
Pari réussi. Confirmant les rumeurs du mois d’août, Databricks vient d’annoncer la levée de 500 millions de dollars auprès de divers investisseurs, portant sa valorisation estimée à 43 milliards de …
Pari réussi. Confirmant les rumeurs du mois d’août, Databricks vient d’annoncer la levée de 500 millions de dollars auprès de divers investisseurs, portant sa valorisation estimée à 43 milliards de dollars. Pour la première fois, la jeune pousse californienne, spécialiste du traitement des masses de données dans le cloud, compte parmi ses argentiers Nvidia, le spécialiste des cartes graphiques très convoitées par les géants de l’intelligence artificielle (IA).
« Databricks accomplit un travail incroyable avec la technologie de Nvidia pour accélérer le traitement des données au service des modèles d’IA générative », affirme Jensen Huang, fondateur et directeur général de Nvidia, dans un communiqué.
La levée de fonds est certes inférieure à celles effectuées précédemment par Databricks, qui avait levé un milliard de dollars en janvier 2021, puis 1,6 milliard supplémentaire en août de la même année. Mais le contexte était alors totalement différent. Si la pandémie, et l’essor du télétravail qu’elle a entraîné, ont fait les choux gras des entreprises technologiques, le secteur connaît désormais des difficultés liées au retournement de la conjoncture économique. Les investisseurs se font frileux, les levées de fonds deviennent rares, les entrées en bourse encore plus. Dans ce contexte, le fait que Databricks soit parvenu à lever ces fonds constitue donc un succès pour la société.
L’IA en ligne de mire
Fondé en 2013 à San Francisco par sept chercheurs de l’université de Berkeley, Databricks propose des analytiques, algorithmes d’IA et autres types de logiciels dans le cloud aux entreprises qui cherchent à extraire la valeur de leurs données. L’entreprise a su dès le départ se focaliser sur l’IA, à une époque où le terme n’était pas autant à la mode.
Une longueur de vue qui a largement contribué à son succès, selon Noel Yuhanna, vice-président et analyste principal chez Forrester. « Databricks a su faire passer l’intelligence artificielle à la vitesse supérieure en offrant une expérience plus holistique autour de cette technologie, permettant l’intégration des données en temps réel grâce à un haut niveau d’automatisation. »
Une solution unifiée pour le traitement et le stockage des données
La société a notamment mis en œuvre une nouvelle approche autour de la gestion des données, le data lakehouse, basé sur Apache Spark, une technologie d’analyse des masses de données en temps réel développée en 2009 par l’AMPLab de l’Université de Berkeley, dont sont issus les cofondateurs. Cette architecture combine deux technologies précédentes, le lac de données (“data lake”) et l’entrepôt de données (“data warehouse”). Les entrepôts de données constituent la façon classique dont les entreprises stockent l’information depuis des décennies. Ils permettent de sauvegarder des données traitées et structurées, dans un format particulier, et organisées à des fins spécifiques.
Mais la montée de l’intelligence artificielle nécessite de plus en plus de traiter rapidement d’immenses quantités de données non structurées issues de différentes sources pour nourrir les algorithmes d’apprentissage automatique. C’est pour répondre à ce besoin qu’est né un second concept, celui des lacs de données. Ceux-ci permettent de stocker les données à faible coût dans des formats de fichier génériques et ouverts. Très efficaces pour mettre les données au service des algorithmes d’IA, ils ne répondent en revanche pas aux exigences en matière de qualité des données et de gouvernance. Pour cela, il faut généralement faire une copie des données issues du lac, pour ensuite les structurer et les analyser dans un environnement séparé.
Avec le data lakehouse, Databricks propose le meilleur des deux mondes : la flexibilité et l’évolutivité d’un lac de données avec les structures et les fonctionnalités de gestion d’un entrepôt de données. Cela permet aux entreprises d’économiser de l’argent et de gagner en efficacité dans l’utilisation de l’IA. « Le premier objectif de Databricks a été de fournir une plateforme unifiée pour combiner l’ingénierie, la science des données et les outils d’apprentissage automatique, facilitant ainsi le travail des entreprises qui veulent construire des applications autour des données », résume Guillaume Brandenburg, RVP France de Databricks.
La société affirme aujourd’hui commercialiser sa technologie auprès de plus de 10 000 entreprises dans le monde, dont la moitié de celles du Fortune 500. La chaîne de pharmacies américaine Walgreens utilise par exemple la technologie de Databricks pour anticiper l’évolution de la demande, optimiser le fonctionnement de sa chaîne de valeur et la gestion de ses stocks.
Rivalité avec Snowflake et cap sur l’IA générative
Sur ce marché en plein essor, le principal rival de Databricks est l’entreprise Snowflake, également originaire de la Silicon Valley. Les deux sociétés concurrentes s’envoient régulièrement des piques, comme récemment lors de l’annonce de l’entrée en bourse d’Instacart. Dans les documents mis en ligne pour préparer celle-ci, le spécialiste de la livraison de courses américain a révélé combien il dépensait dans les solutions de Snowflake, chiffres qui semblaient montrer une baisse de ces dépenses en 2023.
Certains employés de Databricks ont sauté sur l’occasion pour annoncer sur les réseaux sociaux que ce déclin était le signe qu’Instacart reportait ces dépenses sur Databricks, tandis que Snowflake réagissait en affirmant que ces données sorties de leur contexte donnaient une image trompeuse.
À l’heure où l’intelligence artificielle générative – révélée au grand public par le chatbot ChatGPT et les logiciels de création d’images comme Midjourney – est sur toutes les lèvres, les deux sociétés jouent des coudes pour s’imposer sur ce nouveau segment du marché, notamment à travers une stratégie d’acquisition. Snowflake a ainsi récemment acquis la jeune pousse Neeva pour 185 millions de dollars, tandis que Databricks s’offrait MosaicML pour 1,3 milliard.
Selon Guillaume Brandenburg, Databricks et MosaicML « ont la même vision : démocratiser l’IA générative et la rendre accessible aux entreprises de toutes failles ». Dans cette optique, Databricks veut permettre à ses clients de « construire, détenir et sécuriser leurs propres modèles d’IA générative en utilisant leurs ressources, afin qu’ils puissent créer des solutions d’IA sur-mesure, adaptées à leurs besoins bien spécifiques. » L’IA générative peut par exemple permettre aux entreprises d’automatiser partiellement l’écriture de code ou encore d’améliorer le fonctionnement des chatbots utilisés dans la relation client.
Vers une entrée au Nasdaq ?
Contrairement à Snowflake, entré en Bourse en 2020, Databricks demeure pour l’heure non coté. Dans une interview récemment accordée à Bloomberg, le dirigeant de l’entreprise, Ali Ghodsi, écartait tout désir d’entrer en Bourse pour le moment, affirmant d’une part que les marchés n’étaient pas réceptifs et qu’il y avait en outre des avantages à être non coté : la société peut investir sans compter dans l’IA, sans se soucier des réserves éventuelles de ses actionnaires, ce qui lui a permis de débourser une petite fortune pour acquérir MosaicML.
2022 a été la pire année pour la bourse américaine depuis le krach de 2008. En conséquence, le marché des nouvelles technologies n’a connu aucune introduction significative depuis décembre 2001. Mais les choses sont peut-être en train de bouger. Le spécialiste des microprocesseurs britanniques Arm vient tout juste d’entrer au Nasdaq, et Instacart devrait bientôt lui emboîter le pas. « La tech est en train de rebondir, et ce sont les start-up de l’IA qui attirent le plus d’investissements. Alors que les entreprises cherchent à mobiliser leurs données pour innover, croître et obtenir un avantage compétitif, la demande pour des plateformes de nouvelle génération mobilisant l’IA devrait s’accroître », prédit Noel Yuhanna.
Dans un tel contexte, la dernière levée de fonds de Databricks était-elle un test visant à tâter le terrain avant une potentielle entrée en bourse ? Affaire à suivre.