Le spatial européen entame sa métamorphose pour s’adapter au marché — Siècle Digital
Au terme d’une période tumultueuse, l’Europe du spatial vient d’établir un accord considéré comme un « succès majeur » par Bruno Le Maire, ministre français de l’Économie, des Finances et …
Au terme d’une période tumultueuse, l’Europe du spatial vient d’établir un accord considéré comme un « succès majeur » par Bruno Le Maire, ministre français de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Il garantit un financement d’Ariane 6 jusqu’à 2030, et ouvre la voie à un changement de modèle pour les futurs lanceurs européens.
340 millions annuels pour Ariane 6
Il fallait agir. Ariane 6, qui devait initialement réaliser son vol inaugural en 2020, aura quatre ans de retard. À cette lourde déconvenue, s’ajoute la suspension du programme de Vega-C suite à un incident survenu en décembre 2022 ; depuis le départ à la retraite d’Ariane 5, l’Union européenne (UE) n’a plus d’accès souverain à l’orbite. Elle a été contrainte de faire appel aux services de SpaceX pour le lancement de quatre satellites Galileo. C’est une humiliation que les décideurs ne souhaitent absolument pas reproduire avec la constellation IRIS2.
Cette situation a plongé le secteur spatial européen en crise, alors que la firme d’Elon Musk a totalement rebattu les cartes du marché des lancements. Ses trois plus importants contributeurs, la France, l’Allemagne et l’Italie, cherchant chacun à tirer son épingle du jeu. À la suite de mois de discussions, achevées ce lundi 6 novembre lors d’un sommet à Séville, les trois puissances se sont finalement entendues et ont obtenu l’aval des 22 membres de l’Agence spatiale européenne (ESA).
« Cet accord est un succès majeur et marque un tournant décisif dans l’histoire spatiale européenne », affirme Bruno Le Maire. Le texte comprend notamment une subvention publique annuelle de 340 millions d’euros à partir de 2026 pour Ariane 6. Entre 300 et 350 millions étaient nécessaires pour assurer sa viabilité.
« Cette décision permettra de garantir à Ariane 6, au-delà des 27 lancements déjà contractualisés, 15 lancements complémentaires soit 42 lancements d’ici à 2030 », résume le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique dans un communiqué. La fusée se verra en outre confier un minimum de quatre « missions institutionnelles » par an, trois supplémentaires seront destinées à Vega-C.
La fin du monopole d’Arianespace sur les lanceurs européens
L’accord initie également un profond changement pour la compétitivité des lanceurs européens. Alors que la demande évolue pour correspondre aux programmes de constellations visant à assurer la connectivité Internet, le processus européen doit s’adapter. Ainsi, le choix des futurs lanceurs se fera sur la base d’une compétition. « C’est le challenge ESA qui a été retenu à partir de 2025, avec un financement maximum de 150 millions d’euros pour la nouvelle génération de lanceurs », commente Bruno Le Maire.
L’Allemagne a lourdement plaidé pour un changement de modèle, dénonçant une « faillite du système ». L’Italie a, elle aussi, obtenu gain de cause. Avio, son constructeur, pourra commercialiser la petite fusée Vega-C. Elle était jusqu’alors exploitée par Arianespace.
Le vol habité en ligne de mire
Enfin, les trois pays ont répondu à l’appel de plusieurs experts exhortant l’UE à accroître considérablement son autonomie en matière d’exploration humaine et robotique de l’espace. Tandis que l’Inde s’apprête à devenir le quatrième pays à disposer d’un vaisseau capable de transporter des humains après la Russie, les États-Unis et la Chine, l’Europe fait le choix de cargos réutilisables en orbite basse.
Ces derniers pourront y acheminer matériel et humains puis revenir sur Terre. Un appel d’offres pour répondre à ce projet devrait être lancé auprès de l’ensemble de l’industrie européenne dans les prochaines années. « L’Europe garde donc une ambition en matière d’exploration spatiale. Elle ne limite pas son ambition aux lanceurs et aux satellites. Elle a aussi vocation à rester une grande puissance en matière d’exploration de l’espace », rappelle Bruno Le Maire.