Sur Twitter un an plus tard, des marques sur le départ — Siècle Digital
Dès les premiers échanges concrets entre Elon Musk et les actionnaires de Twitter en vue de son rachat début 2022, les annonceurs avaient prévenu : ils partiront si leurs communications …
Dès les premiers échanges concrets entre Elon Musk et les actionnaires de Twitter en vue de son rachat début 2022, les annonceurs avaient prévenu : ils partiront si leurs communications ne sont plus protégées. Se présentant comme un « absolutiste de la liberté d’expression », le natif de Pretoria voulait un réseau social à son image. Un espace de discussion où il peut accuser une personne d’être pédophile sans la moindre preuve, partager des informations financières sensibles sur une de ses entreprises cotée en Bourse, envoyer des emojis vulgaires en réponse aux journalistes, attiser des théories complotistes…
« Pour nos clients à ce moment-là, l’anxiété principale a été sur la modération apportée aux contenus. Nous avons eu des réassurances des équipes France de Twitter sur le fait que le niveau de modération n’allait pas baisser, et que la plateforme allait respecter les règles de l’UE, » se remémore Vincent Reynaud-Lacroze, directeur général de l’agence We Are Social. Le conseil d’administration du réseau social acceptera finalement l’offre d’Elon Musk le lundi 25 avril. Six mois plus tard, le 27 octobre 2022, il se voit remettre les clés de Twitter. Ni une ni deux, il réintègre des milliers de profils jusqu’alors bannis, licencie à tout va dans des services qu’il n’estime pas vitaux, notamment la modération, les ventes, l’IT… Ni une ni deux, des milliers d’annonceurs coupent leurs campagnes publicitaires.
Avec des finances grabataires, ce retournement – pourtant prévisible – a fait s’envoler des milliards d’euros dans un chiffre d’affaires tributaire de la publicité. Au cours des premières semaines, Twitter a perdu la moitié de ses plus gros annonceurs et leur fuite s’est poursuivie les mois suivant. « Au 1er novembre, toutes les campagnes en cours ont été coupées, et à partir de ce moment-là, nous n’avons plus jamais revu Twitter dans les opérations de nos clients, malgré des propositions de notre part, » constate Gaëtan Demeusy responsable du pôle performance de l’agence Better&Stronger. « Ce qui est dommage, c’est que Twitter prenait de plus en plus d’importance dans le mix média de nos campagnes, (…) il y avait un attrait grandissant des annonceurs. »
Si elles ont arrêté de dépenser leur argent sur le réseau social, les entreprises conversent toujours avec leurs fans. « Nous continuons d’avoir des marques très vivantes et qui restent portées par leurs communautés. En revanche, je ne sais pas si elles ont un fort potentiel de développement, » analyse Vincent Reynaud-Lacroze. Les nombreuses annonces du nouveau propriétaire ajoutées au changement de nom en X ont freiné l’arrivée de nouveaux membres, et même de nouvelles marques. « Celles qui étaient déjà actives le restent, mais nous n’en avons plus qui veulent s’y installer et développer une ligne éditoriale. »
La nomination de Linda Yaccarino cet été au poste de PDG est venue tempérer les excès d’Elon Musk. Avec une carrière de trente ans dans la publicité et un passage remarqué chez NBCUniversal, elle s’est vue confier la lourde tâche de réconcilier les annonceurs avec X. Sauver 2023 semble être mission impossible alors que les marques ont déjà bouclé leurs budgets depuis des mois. Pourtant, la PDG de X affirmait sur scène il y a quelques semaines que « 90 % des 100 meilleurs annonceurs sont revenus sur X au cours des douze dernières semaines ». Nissan, l’opérateur AT&T, IBM, ou encore Amazon ont repris leurs dépenses. Une bonne nouvelle, rapidement édulcorée par Elon Musk révélant quelques jours plus tard que les revenus publicitaires de la plateforme avaient chuté de 60 % aux États-Unis.
Il faut dire qu’en congédiant plus de la moitié des effectifs, les annonceurs ont du mal à trouver à qui parler. « Les interlocuteurs que nous avions ne sont plus là, » s’alarme Gaëtan Demeusy. « Nous sommes régulièrement sollicités par d’autres plateformes comme Pinterest, Spotify, TikTok, ou même Discord pour que nous investissions dessus. Twitter… il n’y a plus rien. »
Pour leur communication aussi, les marques semblent s’échapper. « Certaines ont réduit la voilure, et d’autres commencent à annoncer une fermeture de compte prochaine, mais ce n’est pas encore la majorité » reconnaît le directeur général de We Are Social.